Laura Gozlan explore dans son travail le concept de la noosphère de Teilhard de Chardin, cette phase où la conscience humaine se globalise, alimentée par la prolifération des technologies de communication et la diffusion massive d'images. Son œuvre Skinny Dip Unsensory incarne à merveille cette dynamique, en sondant la manière dont les individus, immergés dans un flux incessant d'images numériques, perçoivent et réagissent à des stimuli visuels, à travers la technique du found footage. Le film puise dans des extraits de séries B pour monter une boucle visuelle hypnotique où la sensorialité mystérieuse des images rejoint une bande-son envoûtante qui occulte les dialogues de films au profit d’une composition musicale originale. Ce processus de réassemblage permet à Laura Gozlan de revisiter des productions hollywoodiennes comme The Day of the Dolphin de Mike Nichols (1973), Altered States (1980) de Ken Russell, ou encore Looker de Michael Crichton (1984) en leur conférant une nouvelle portée psychique tout en invitant à une distanciation critique. Skinny Dip Unsensory trouve alors son inspiration dans les écrits de John Cunningham Lilly, un neuroscientifique et cétologue connu pour ses études sur la conscience et la communication inter-espèces. En utilisant ces éléments, Laura Gozlan tisse une trame narrative abstraite qui aborde de manière allusive des thématiques comme l'intelligence des cétacés et l'isolation sensorielle. Elle parvient à faire émerger une texture visuelle archétypale, qui résonne avec les pulsions humaines représentées à l'écran. À partir du cinéma industriel narratif, Laura Gozlan déploie ici une machine mentale où les affects dépersonnalisés se combinent à une imagerie de la recherche scientifique pour traduire une certaine angoisse contemporaine à l’égard de la modernité technologique. Skinny Dip Unsensory fait ainsi muter la prétendue objectivité expérimentale en une sorte de cauchemar éveillé peuplé d’apprentis sorciers avides de contrôle et de puissance.
Fabien Danesi